Déficits immunitaires

Les syndromes de déficit immunitaire sont caractérisés par une anomalie héréditaire ou acquise des moyens de défense anti-infectieuse vis-à-vis des bactéries, des virus, des mycètes et des parasites.

Les déficits immunitaires peuvent affecter l'immunité spécifique humorale ou cellulaire, assurée par le système lymphoïde, et l'immunité non spécifique qui repose sur les fonctions granulocytaires et macrophagiques comme sur l'action du complément.

Déficits immunitaires congénitaux

Déficits du système lymphocytaire

Les déficits du système lymphocytaire sont caractérisés par une anomalie isolée de la fonction humorale ou de la fonction cellulaire, par un défaut mixte de ces deux fonctions.

Déficits prédominants de l'immunité cellulaire

a)Aplasie thymique ou syndrome de Di George. L'aplasie thymique est une embryopathie dominée par le défaut de développement des ébauches thymiques. L'étiologie en est inconnue.

Dans tous les cas décrits, une tétanie néo-natale liée à une anomalie de développement des parathyroïdes représente le premier symptôme. Le diagnostic est aisément évoqué devant une malformation cardiaque et des malformations mineures. Le défaut de thymus peut être objectivé radiologiquement. Le taux de facteurs thymiques sériques, reflet de l'activité de l'épithélium du thymus, est généralement très bas. Le déficit quantitatif en lymphocytes T se traduit par une diminution de volume des ganglions. L'étude histologique d'un ganglion montre une pauvreté cellulaire de la zone thymo-dépendante et une intégrité du cortex superficiel. Ce déficit se traduit par l'absence de réaction d'hypersensibilité retardée. Les tests fonctionnels qui étudient in vitro les capacités des lymphocytes T sont très perturbés: défaut de prolifération lymphoblastique en présence de mitogènes et défaut de réponse en culture mixte lymphocytaire.

Les taux sériques des immunoglobulines sont normaux ou élevés, mais la production d'anticorps est partiellement perturbée.

L'évolution est liée aux trois facteurs qui entrent en jeu dans le pronostic global de la maladie: l'hypocalcémie est traitée par calcium, associé à de fortes doses de vitamine D et par injection de parathormone; la malformation cardiaque qui peut nécessiter une cure chirurgicale, et le déficit immunitaire lui-même. La gravité du défaut immunologique peut amener à tenter une reconstitution immunologique par transplantation d'un thymus fœtal de moins de douze semaines. Elle est capable de corriger en quelques jours le déficit lymphocytaire. Dans les syndromes de Di George partiels – qui sont une hypoplasie thymique – un traitement par les hormones thymiques synthétiques (Thymuline) paraît indiqué.

b)Déficit en purine nucléoside phosphorylase (PNP). Ce déficit immunitaire sévère est, avec le déficit en adénosine désaminase (ADA), un exemple de déficit enzymatique du métabolisme des purines. Les anomalies métaboliques entraînent une anomalie de réplication de l'ADN responsable d'un défaut de multiplication des lymphocytes T. Le déficit de l'immunité cellulaire est sévère. Les fonctions humorales sont respectées, mais des manifestations auto-immunes sont fréquentes.

Déficits immunitaires mixtes et graves (DIMG)

sont des affections héréditaires caractérisées par un défaut profond de l'immunité cellulaire et de l'immunité humorale. Les premières infections surviennent très précocément avant le sixième mois de vie. Les trois principales manifestations sont une diarrhée infectieuse persistante, une pneumopathie diffuse, et des manifestations cutanées. Le diagnostic est évident lorsque certains arguments sont réunis: absence de ganglions palpables, absence d'opacité thymique et lymphopénie. L'existence d'une notion familiale est souvent découverte à l'interrogatoire de la famille. Ces affections sont soit autosomiques récessives, soit récessives liées au sexe.

Les taux d'immunoglobulines sont souvent effondrés et l'immunité cellulaire est très profondément perturbée.

Les méthodes d'explorations actuelles permettent de distinguer trois variétés de déficit immunitaire mixte et grave:

Défaut primitif des cellules souches lymphoïdes médullaires , incapables de différenciation.

Déficit en adénosine désaminase (ADA); il provoque un déficit qualitatif des lymphocytes T et B par un mécanisme voisin de celui du déficit en PNP.

Déficit sélectif en précurseurs des lymphocytes T : le déficit cellulaire est profond et le déficit humoral est secondaire à l'absence des lymphocytes T.

L'évolution des DIMG est sévère, la mort survenant avant l'âge de un an, et le traitement doit être mené en considérant trois données intimement liées: le traitement des infections existantes, la protection du malade et les moyens d'obtenir une reconstitution immunologique par transplantation.

Une reconstitution immunologique peut être obtenue par transplantation de moelle provenant d'un frère ou d'une sœur HLA identique. Dans les conditions idéales de transplantation, une reconstitution immunologique rapide (deux à trois mois) est obtenue dans plus de 80 p. 100 des cas.

Déficits immunitaires complexes

Ils sont nombreux. Nous en détaillerons quatre:

Syndrome d'ataxie et télangiectasie . Il s'agit d'une affection autosomique récessive. L'ataxie cérébelleuse est habituellement objectivée à la marche. Des mouvements choréo-athétosiques et des télangiectasies oculaires sont d'apparition plus tardive. Les premières infections surviennent vers l'âge de deux à trois ans. Les localisations respiratoires sont prédominantes.

Le déficit immunitaire est variable. Il existe un déficit en IgA sérique et salivaire dans 50 p. 100 des cas, et, dans 5 p. 100 des cas, un déficit en IgG. Les IgM sériques sont souvent élevées. La production d'anticorps est généralement dissociée, basse ou nulle pour certains antigènes, normale pour d'autres. Il est très souvent détecté des auto-anticorps et ces malades présentent assez fréquemment des manifestations auto-immunes. Dans une importante proportion de cas (10 p. 100) une affection maligne est observée.

Syndrome de Wiskott-Aldrich . Le syndrome de Wiskott-Aldrich associe un déficit mixte et partiel, une thrombocytopénie et un eczéma. Il est transmis selon le mode récessif lié au sexe.

La thrombopénie est néonatale, de type périphérique. L'eczéma, d'intensité variable d'un malade à l'autre, évolue par poussée. Il est source de surinfection cutanée. Le déficit immunitaire est responsable d'infections bactériennes ou virales. Il est caractérisé par un déficit en IgM inconstant (50 p. 100 des cas). La production d'anticorps est dissociée, souvent normale pour les antigènes peptidiques et diminuée pour les antigènes polysaccharidiques. Le déficit cellulaire, variable d'un cas à l'autre, s'accentue progressivement. Les manifestations auto-immunes sont fréquemment observées et une affection maligne (sarcome) est fréquemment décrite. La gravité de la maladie a justifié le recours à une transplantation médullaire.

Déficit immunitaire et dilution pigmentaire . Il a été décrit initialement dans trois familles. Il s'agit d'un déficit mixte cellulaire et humoral associé à un trouble pigmentaire. La transmission est autosomique récessive. L'albinisme est partiel avec reflet argenté des cheveux. L'évolution est marquée par une hépatosplénomégalie, des phases de pancytopénie souvent contemporaines d'une infection bactérienne ou virale. Ce syndrome, dont la symptomatologie est voisine de la maladie de Chediak-Higashi, s'en distingue par l'abence de granulation anormale au niveau des leucocytes, par la nature du trouble pigmentaire caractérisée par un défaut de dendrification des mélanocytes et la rareté du transfert des mélonosomes des mélanocytes aux kératinocytes et par la présence d'un déficit immunitaire mixte mais partiel.

Déficit immunitaire et nanisme à membres courts . Le nanisme à membres courts est un déficit immunitaire rare de transmission autosomique récessive. Le déficit est variable humoral pur, cellulaire pur ou mixte.

Déficits de l'immunité non spécifique

Les déficits de l'immunité non spécifique concernent les anomalies quantitatives ou qualitatives des polynucléaires neutrophiles, des macrophages et du système du complément.

Déficit quantitatif de la lignée granulocytaire

Les neutropénies congénitales, neutropénies et agranulocytoses représentent un groupe d'affections génétiques ou constitutionnelles de mécanisme et de pronostic variables.

La symptomatologie se résume souvent à des infections bactériennes de localisation O.R.L., pulmonaire, et cutanées surtout.

Les hémogrammes et le myélogramme permettent de distinguer cinq principales situations:

Aplasie granulocytaire congénitale , marquée par une quasi-absence de granuleux médullaires.

Défaut de prolifération granulocytaire . Présence de granulocytes jeunes jusqu'au promyélocyte ou au myélocyte et absence de cellules plus matures.

Défaut de maturation granulocytaire . Le myélogramme montre un nombre normal de granuleux jeunes, jusqu'aux métamyélocytes compris, et la quasi-absence de polynucléaires.

Défaut de sortie des polynucléaires médullaires . Il s'agit d'une situation rare, caractérisée par une neutropénie sanguine profonde et la présence de granuleux médullaires en grand nombre.

Neutropénie cyclique . Il s'agit d'une affection caractérisée par un trouble de production granulocytaire évoluant de façon cyclique.

Anomalies qualitatives des polynucléaires

Depuis la description de la granulomatose septique chronique, plusieurs autres anomalies granulocytaires distinctes sont décrites, certaines répondant à un défaut enzymatique précis, d'autres liées à une anomalie fonctionnelle de mécanisme encore non éclairci.

Granulomatose septique chronique . La granulomatose septique chronique est une affection transmise selon le mode récessif lié au sexe ou plus rarement autosomique récessive.

La maladie est caractérisée par des infections bactériennes répétées. L'hémogramme révèle une polynucléose neutrophile constante. L'étude de la bactéricidie montre une importante diminution de la lyse bactérienne par des polynucléaires du malade.

 

Autres anomalies enzymatiques granulocytaires avec sensibilité aux infections . D'autres défauts enzymatiques rares de granulocyte entraînent une diminution des capacités de bactéricidie. Ce sont: le déficit en myéloperoxydase, le déficit en G6PD, défaut de granules secondaires granulocytaires qui entraîne un déficit en lactoferrine et en phosphatase alcaline.

Maladie de Chediak-Higashi est un syndrome de transmission autosomique récessive caractérisé par une anomalie des membranes de certaines organelles intracytoplasmiques qui fusionnent pour donner des inclusions géantes typiques de l'affection.

Ce syndrome associe un albinisme partiel oculo-cutané et une susceptibilité aux infections bactériennes considérée comme liée aux anomalies fonctionnelles des granulocytes. L'albinisme est dû à une dilution pigmentaire. L'étude fonctionnelle des granuleux montre des anomalies complexes: troubles du chimiotactisme et de la bactéricidie.

Déficits du système de complément

On a décrit plusieurs déficits héréditaires touchant l'un des composés du complément: C1, C2, C3, C7 notamment. Le défaut d'un des composés entraîne une anomalie d'activation du complément, dont on sait le rôle amplificateur dans les réponses immunes. Cette anomalie expose à des manifestations auto-immunes et à des infections. Un déficit particulier qui touche l'inhibiteur de la C1 estérase provoque, au contraire, une activation exagérée du système du complément. Elle explique les manifestations anaphylactoïdes observées dans le syndrome angio-neurotique.

Déficits immunitaires acquis

Ils sont nombreux et sont observés dans des circonstances très diverses. Certains sont globaux, touchant plusieurs moyens de défense, d'autres sont plus limités, voire sélectifs. Les mécanismes sont variables, liés à une anomalie de multiplication cellulaire, à une fuite ou encore à des anomalies qualitatives complexes. Il est d'usage de les classer selon leurs causes .

Cancers et hémopathies malignes. Même en dehors de tout traitement, il est fréquent d'observer un déficit immunitaire au cours d'une tumeur solide ou d'une leucémie. Dans la maladie de Hodgkin, le déficit cellulaire est un des signes de la maladie. Il est plus marqué dans les formes étendues (stades III et IV). Il a récemment été montré que le déficit est dû, au moins en partie, à une sécrétion exagérée de prostaglandines E2 qui activent les lymphocytes T suppresseurs.

Les causes toxiques et médicamenteuses sont nombreuses. Les chimiothérapies anticancéreuses provoquent toutes un déficit complexe, à la fois lymphocytaire et granulocytaire. Les thérapeutiques immunosuppressives prescrites, par exemple dans les affections auto-immunes, réduisent globalement les fonctions immunes en entraînant une régression des symptômes de la maladie au prix d'un déficit immunitaire acquis réversible à l'arrêt du traitement.

Les déficits immunitaires secondaires à une fuite sont rares. Dans la lymphangiectasie intestinale, il s'agit d'une perte de lymphe, riche en lymphocytes et en immunoglobulines, au niveau intestinal. Cette anomalie est en relation avec une manifestation des vaisseaux lymphatiques ou à une compression du canal thoracique.

Dans le syndrome néphrotique, il existe une perte continue d'immunoglobulines anormalement trouvées dans les urines.

Les causes infectieuses sont, de très loin, les plus fréquentes.

Un déficit immunitaire cellulaire est très souvent observé dans les maladies virales. Il est généralement passager (varicelle, rougeole, infection à cytomégalovirus, par exemple). Il peut être plus durable dans les infections virales diffuses ou persistantes comme dans les mononucléoses infectieuses graves (virus EB). Il est chronique dans le cas du déficit immunitaire épidémique (sida), décrit dès 1980 chez les homosexuels. La transmission du virus (VIH) par voie hétérosexuelle fut ensuite constatée, ainsi que la contamination d'enfants, à leur naissance, par une mère porteuse du virus. On connaît deux foyers endémiques: haïtien et africain (Zaïre).

Il existe entre la contamination par le rétrovirus qu'est le VIH et les symptômes d'immunodéficience qui correspondent à la maladie déclarée un temps de latence plus ou moins long mais pendant lequel la présence du virus est traduite par la séropositivité du sujet contaminé.

Dans les infections mycosiques chroniques comme les candidoses cutanéo-muqueuses, il est observé un déficit cellulaire sélectif avec anomalie de réponse des lymphocytes qui contraste avec des taux élevés d'anticorps pour les antigènes du champignon, ces anomalies sont réversibles après traitement.

Dans les parasitoses, le déficit est complexe et souvent intriqué aux anomalies dues à une malnutrition associée.

De nombreux facteurs nutritionnels interviennent dans la genèse des déficits immunitaires acquis. Parmi eux, les vitamines B 12, l'acide folique, le zinc sont les mieux décrits, mais le fer, la vitamine C et, d'une façon globale, les carences protidiques sont des facteurs également essentiels. Enfin, de nombreuses situations pathologiques sont associées à une anomalie immunitaire variable. Dans le diabète, l'hyperglycémie favorise le développement des infections à staphylocoques. Dans les maladies touchant le métabolisme des acides aminés, le défaut de production d'anticorps est l'une des conséquences de l'anomalie des synthèses protidiques.

On voit combien, en raison de la diversité des mécanismes responsables des déficits immunitaires congénitaux ou acquis, comme du fait de l'hétérogénéité de leur expression, il s'agit d'un chapitre complexe de la pathologie. Les traitements sont adaptés à chaque situation et dépendent grandement de la connaissance des mécanismes en cause, ce qui explique l'impuissance, face au sida, des thérapeutiques usuelles: substitutives par les immunoglobulines, curatives par greffe de moelle ou de tissus fœtaux, préventives par les vaccinations antivirales notamment. Il est devenu possible d'utiliser certains immunomodulateurs physiologiques (interféron, interleukine) ou des immunostimulants biologiques ou de synthèse dans un nombre croissant d'applications.